Introduction
L'angioœdème héréditaire (AOH) est une maladie génétique rare caractérisée par des épisodes récurrents d`œdème sévère, affectant principalement la peau, le tractus gastro-intestinal et les voies respiratoires.
Le terme d’angioœdème héréditaire recouvre toutes les formes d’angioœdème résultant d’un excès de production de la bradykinine suite à une mutation génétique touchant le gène SERPING1 ou autres.
Les crises d'angioœdème peuvent être déclenchées par des facteurs tels que le stress, les microtraumatismes, les états d’hyperoestrogénémie (puberté, contraception et grossesse) certains médicaments ou sans cause apparente.
La prise en charge de l'AOH vise à traiter les crises aiguës, à prévenir les épisodes d`œdème et à améliorer la qualité de vie des patients.
Les recommandations nationales sur la prise en charge de l'angioœdème héréditaire sont essentielles pour standardiser les soins, promouvoir l'utilisation des thérapies disponibles les plus efficaces. Elles constituent un outil précieux pour les professionnels de santé, leur permettant d'offrir une prise en charge optimale aux patients atteints de cette maladie complexe et méconnue.
Il existe un besoin crucial dans la formation médicale continue pour cette maladie, cette formation améliore les connaissances des praticiens et augmente les chances de diagnostic précoce et raccourcit la durée de l`errance diagnostic.
La prévalence de l’AOH varie d’un pays à un autre avec une prévalence allant de 1/100 00 a 1/150 000. On compte à ce jour (Avril 2024) un peu plus de 280 malades enregistrés en Algérie.
CARACTERISTIQUES CLINIQUES DE L’AOH
- La symptomatologie varie en fonction de la localisation de l’œdème.
- Les localisations les plus fréquentes touchent : les extrémités, le tube digestif, l`appareil génital, et le larynx.
- La localisation laryngée détermine le pronostic vital du fait de risque de décès par asphyxie
- La localisation au niveau du tube digestif s’accompagne de la présence d’une ascite récurrente de volume variable disparaissant en général entre 48h et 72 h
- La symptomatologie et la fréquence des signes cliniques varient d’un malade à un autre ,et même entre les membres de la même famille
- Les crises d’AOH durent de 24 heures à 5 jours à quelques très rares exceptions près.
- Les antihistaminiques et les corticoïdes sont inefficaces
- L`AOH ne s`accompagne pas de prurit ou d`urticaire
- La confirmation du diagnostic fait appel aux dosages des fractions du complément.
RECOMMANDATIONS 1: DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE DE L’AOH
- Nous recommandons de réaliser les dosages antigéniques des composants C4 et C1 inhibiteur pour tous les patients présentant les caractéristiques cliniques faisant évoquer un AOH
- Nous recommandons de refaire les dosages pour une deuxième fois devant un bilan positif pour la confirmation du diagnostic
- Nous recommandons de faire le dosage du C1 inhibiteur fonctionnel seulement pour les patients avec une forte suspicion clinique ayant un taux de C4 bas avec un taux de C1 inhibiteur antigénique normal.
- En cas de disponibilité du C1 inhibiteur fonctionnel, nous recommandons de faire le dosage du C1 Inhibiteur fonctionnel seul, et s’il revient sans anomalie on exclut les AOH de type 1 et 2 et les AO par déficit acquis en C1 Inhibiteur de type 1 et 2
- Nous recommandons l’exploration biologiques de tous les membres de la famille et des collatéraux.
- Nous recommandons le dosage du C1q pour les patients ayant un bilan biologique en faveur de l’AOH avec une enquête familiale négative (différencier la forme acquise de la forme sporadique)
- Nous recommandons les tests génétiques (en dehors du gène SERPING1) chez les sujets avec forte suspicion clinique et un bilan biologique normal à la recherche d’un AOH avec C1 inhibiteur normal (facteur FXII, ANGPT1, PLG, KNG1, MYOF ou HS3ST6)
- Nous recommandons chez les enfants ou nouveaux nés de faire le bilan biologique dès l’âge de 3 mois devant des antécédents familiaux et un tableau clinique évocateur, un deuxième dosage est nécessaire pour confirmer le diagnostic dès l'âge d'un an.
CARACTERISTIQUES THERAPEUTIQUES DE L’AOH
- La prise en charge thérapeutique de l’OAH comporte trois volets: le traitement de la crise, le traitement préventif à court terme et le traitement préventif à long terme.
- Les principaux médicaments des crises d’AOH font appel à une ou plusieurs des classes suivantes : le concentré de C1Inh (humain ou recombinant), l’inhibiteur du récepteur de type 2 de la Bradykinine.
- A ce jour, deux produits de C1 inhibiteur humain (Cinryze et Berinert) dérivé du plasma et le Lanadelumab (un anticorps monoclonal entièrement humain qui inhibe l'activité protéolytique de la kallikréine plasmatique active) ont eu l’AMM en Algérie
- Le traitement prophylactique fait appel au C1 inhibiteur humain dérivé du plasma et au Lanadelumab, un AC monoclonal ayant l`AMM en Algérie
- Le Cinryze a l’avantage d’être prescrit pour le traitement prophylactique à long terme en plus du traitement de la crise et du traitement prophylactique à court terme.
- Il a aussi l’avantage de ne pas être contre indiqué chez la femme enceinte et allaitante.
- Nos orientations thérapeutiques sont basées sur les moyens thérapeutiques disponibles en Algérie
- Les présentes recommandations peuvent être actualisées en fonctions de nouvelles données scientifiques et éventuelle acquisition d’autres médicaments
RECOMMANDATIONS 2: TRAITEMENT DE LA CRISE
- Nous recommandons que toutes les crises graves (affectant les voies aériennes ou le tube digestif) et/ou fréquentes doivent bénéficier d'un traitement d’urgence le plus tôt possible.
- Nous recommandons que les crises graves et/ou fréquentes soient traitées par l’administration du C1 Inhibiteur humain dérivé du plasma (pdC1inh) en première ligne. Le PFC est indiqué en deuxième ligne
- Nous recommandons que l’intubation ou une trachéotomie sur les voies aériennes supérieures soit discutée en cas d’œdème progressif des voies aériennes supérieures ne répondant pas aux traitements substitutifs du C1 inhibiteur après une deuxième injection du pdC1inh. L’intubation doit être envisagée après avoir préparé le matériel nécessaire pour une éventuelle trachéotomie du fait du risque d`aggravation de l`œdème lors de l`intubation.
- Nous recommandons, chez les patients aux antécédents de crises sévères, de débuter le traitement de la crise par le pdC1inh en première intention dès l’apparition des prodromes. Le PFC est indiqué en deuxième intention. L’acide Tranexamique peut être utilisé en troisième ligne.
L’utilisation d’androgènes dans la prise en charge de la crise d’AOH est déconseillée et ne présente aucun avantage
RECOMMANDATIONS 3 : TRAITEMENT PROPHYLACTIQUE DE COURTE DURÉE (PCD)
- Nous recommandons une prophylaxie de courte durée avant une intervention médicale,(endoscopie digestive ou bronchoscopie), chirurgicale ou dentaire.
- Nous recommandons une prophylaxie de courte durée avant une exposition à toute autre situations de risque pouvant induire une crise d’angioœdème.
- Nous recommandons l’utilisation du pdC1inh en prophylaxie de courte durée en première intention.
- Nous recommandons l’utilisation des androgènes atténués comme alternative au pdC1inh. Le PFC peut être utilisé pour une prophylaxie de courte durée de deuxième ligne.
La prophylaxie de courte durée, constitue le traitement de choix pour les patients atteints d’AOH visant à réduire le risque de crise d’angioœdème lors des situations de risque
RECOMMANDATIONS 4 : TRAITEMENT PROPHYLACTIQUE DE LONGUE DURÉE (PLD)
- Nous recommandons l’utilisation du Lanadelumab comme traitement prophylactique de longue durée de première intention chez les patients âgés de plus de 12 ans présentant des formes sévères (laryngées et/ou digestives) ou fréquentes avec une altération de la qualité de vie chez les patients âgés de plus de 12 ans.
- Nous recommandons l’utilisation du Cinryze comme traitement prophylactique de longue durée de deuxième intention
- Nous recommandons l’utilisation d’androgènes atténués comme traitement prophylactique de longue durée de troisième intention
- Nous recommandons une surveillance systématique de l’activité et le contrôle de la maladie pour tous les patients suivant une prophylaxie de longue durée afin d’optimiser les doses de traitement et de leur efficacité
L’utilisation d’androgènes comme traitement prophylactique de longue durée de troisième ligne avec une dose minimum (200mg/j) jusqu' à 200 mg par semaine pour limiter les effets secondaires.
Les anti fibrinolytiques ne sont pas recommandés comme PLD du fait de leur efficacité incertaine, néanmoins, ils peuvent être prescrits chez les malades avec AOH C1Inh normal.
RECOMMANDATIONS 5 : L’ENFANT
- Nous recommandons l’utilisation du pdC1inh en première ligne ou du PFC en deuxième ligne pour traiter les crises chez les enfants de moins de 12 ans
- Nous recommandons un traitement prophylactique de courte durée dans le cas des interventions médicales, chirurgicales et dentaires
- Nous recommandons le pdC1-Inh comme traitement PCD de première ligne devant toute situation à risque d'induire une crise d’angioœdème ou des brèves cures d’androgènes atténués en deuxième ligne,
- Nous recommandons le Cinryze comme traitement PLD* de première ligne chez les enfants âgés de 6 à 12 ans
- Nous recommandons le traitement prophylactique de longue durée avec le Lanadelumab chez les patients présentant des formes sévères (laryngées et/ou digestives) ou fréquentes avec une altération de la qualité de vie chez les patients âgés de plus de 12 ans
- Nous recommandons l’acide tranexamique pour la PLD en deuxième ligne *du fait de son meilleur profil de sécurité. Sa posologie et l’intervalle d’administration entre les doses doit être ajusté en fonction de la réponse individuelle
C1 estérase inhibitor (humain) : CINRYZE ® possède l’AMM chez les adultes, les adolescents et les enfants à partir de 2 ans dans le traitement de la crise et la PCD ,ainsi que l’AMM dans la PLD chez les adultes, les adolescents et les enfants à partir de 6 ans.
RECOMMANDATIONS 6 : PRISE EN CHARGE DE L’AOH DE TYPE I/II DURANT LA GROSSESSE/L’ALLAITEMENT
- Nous recommandons le Cinryze comme traitement de la crise de première ligne pendant la grossesse et l’allaitement
- Nous recommandons le Cinryze en PCD, en PLD durant la grossesse dans certains cas
- Nous recommandons l’acide tranexamique en deuxième ligne si le Cinryze n’est pas disponible
- Nous recommandons le Cinryze pendant l’allaitement pour le traitement d’une crise , comme traitement PCD et traitement PLD
- Nous recommandons le PFC comme traitement de deuxième ligne durant l’allaitement.
La fréquence de survenue des crises lors des grossesses est variable et hétérogène et n’est pas prédictive des grossesses ultérieures
L’allaitement peut être associé à un nombre plus élevé de crises d’AOH chez la mère, il reste toujours préconisé au vu de ses bénéfices pour le nourrisson
Les androgènes sont contre-indiqués durant la grossesse
Acide tranexamique est sans danger durant la grossesse et l’allaitement et à éviter dans les 6 premières semaines du post partum compte tenu du risque de thromboses
Androgènes et les anti fibrinolytiques sont excrétés dans le lait maternel.
RECOMMANDATIONS 7 : MESURES GENERALES et EDUCATIVES
- Nous recommandons que des soins complets et intégrés spécifiques à l’AOH soient accessibles à tous les patients
- Nous recommandons la création d’un réseau national avec des centres de références et de compétences dans chaque région du pays pour une meilleure prise en charge de l’AOH
- Nous recommandons aux praticiens qui prennent en charge les malades atteint d`AOH de coordonner avec les centres de référence les plus proches. Liste des centres actuellement disponibles et sera actualisée :
- Services de médecine interne : EPH de Rouiba, CHU Douira, EHS Zmirli, EPH Birtraria, CHU Tizi-Ouzou, CHU Béjaia, CHU Laghouat, CHU Sétif, CHU Constantine, CHU Batna, CHU Annaba, EPH Tipaza, CHU Tlemcen, CHU Sidi Belabès, CHU Oran Services de pédiatrie : CHU Parnet, CHU Mustapha, CHU Oran, CHU Tlemcen, CHU Sétif, CHU Constantine, CHU Tizi-Ouzou, CHU Batna.
- Laboratoires : laboratoire central EPH Rouiba, Services d’Immunologie CHU Annaba, CHU Batna et EHU Oran.
- Nous recommandons que le dépistage familial soit coordonné avec les centres de référence de prise en charge de l’AOH.
- Nous recommandons que tous les patients aient une carte de suivi sur laquelle sont mentionnés la maladie et le traitement d'urgence à administrer en cas de crise
- Nous recommandons l`organisation des patients sous formes d`association permettant l`éducation et le soutien aux patients
- Nous recommandons que tous les patients (notamment l`enfant) bénéficient d’une sensibilisation aux facteurs déclenchant susceptibles de provoquer des crises
- Nous recommandons l’éviction de certains médicaments qui sont potentiellement à l’origine de crises d’AOH tels que les IEC, les Sartans et les Contraceptifs oraux contenant de l’œstrogène
- Nous recommandons de faire bénéficier tous les patients de vaccin contre la grippe ou d’autres vaccins de routine pour prévenir les infections et réduire la fréquence de survenue des crises
Éviction des facteurs déclenchants
Chez 50% des patients, le facteur déclenchant reste inconnu
Télécharger le document